Le changement climatique : anticiper et s’adapter avec une stratégie bas carbone

07.04.2023

Une stratégie d’entreprise résiliente face au changement climatique

Le monde dans lequel nous vivons est en constante évolution et les entreprises sont contraintes de s’adapter et de modifier leur stratégie plus fréquemment qu’il y a 10 ans (1).

La stratégie d’entreprise est un ensemble de décisions qui permettent de créer de la valeur pour une entreprise par des projets, des objectifs et des ressources dans le but d’en assurer la pérennité (2). Afin d’être durable, il est essentiel de développer une stratégie résiliente capable de résister, absorber et s’adapter aux perturbations impactant l’activité (3).

Le changement climatique s’impose aujourd’hui comme l’un des facteurs principaux affectant la stratégie d’entreprise et sa résilience. Depuis les années 1800, les activités humaines sont la cause principale du changement climatique (4). Nos modes de production et de consommation augmentent considérablement la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère provoquant une hausse de la température moyenne à la surface de la Terre (5). En résulte, des évènements climatiques extrêmes plus fréquents et plus intenses au fil des ans (6) qui ont des répercussions sur les récoltes, les populations et les entreprises du monde entier.

En réponse, les États prennent des mesures réglementaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se répercutant sur tous les secteurs d’activité. Des organismes œuvrent à définir des méthodologies certifiantes pour organiser cette réduction. Pour exemple, l’Association pour la transition Bas Carbone (ABC) propose une méthodologie de comptabilité carbone : la méthode Bilan Carbone® et Science Based Targets initiative (SBTi), une certification sur des objectifs généraux ou sectoriels de réduction de son empreinte carbone.

En parallèle, les consommateurs modifient leurs habitudes et les candidats orientent leur choix de carrière en fonction de leur préoccupations environnementales et/ou sociales.

VUCA (en anglais : Volatility, Uncertainty, Complexity et Ambiguity) décrit parfaitement la situation actuelle marquée par une volatilité accrue, une incertitude croissante, une complexité grandissante et une ambiguïté omniprésente.


Le changement climatique, une manifestation de VUCA

L’acronyme VUCA est introduit pour la première fois par le US Army War College en 1991, pour décrire un environnement qui est Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu. Dans un contexte géopolitique en forte tension où les stratégies de négociation sont complexes à maîtriser, les centres de formation militaires américains font évoluer leurs programmes pour former les officiers supérieurs à la diplomatie militaire et la coopération internationale. Au fil du temps, VUCA s’est déployé dans le monde de l’entreprise et ses conditions sont généralement associées à des environnements de travail en constante évolution et à des situations de crise. Le changement climatique peut donc être considéré comme une manifestation de la volatilité, de l’incertitude, de la complexité et de l’ambiguïté.

Afin d’illustrer cette analyse, des exemples non exhaustifs ont été sélectionnés par l’équipe de consultants carbone de GreenOptimizer.

Un monde volatile

La volatilité se réfère à la rapidité et l’amplitude des changements dans l’environnement, notamment sur les marchés boursiers et financiers.

Les événements météorologiques extrêmes tels que les sécheresses, les inondations, les ouragans et les perturbations des saisons ont un impact significatif sur les productions agricoles. Ces événements peuvent causer des pertes de récoltes, des dommages aux cultures, une augmentation des maladies et des parasites, ainsi qu’une diminution de la qualité des produits agricoles.

Lorsque la production agricole est trop aléatoire, cela peut entraîner une volatilité des prix sur les marchés internationaux. Les aléas climatiques ont d’ailleurs en partie contribué à l’inflation de 5,8% enregistrée en 2022, comme confirmé par le Sénat (7).

De même, selon l’ancien ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, la France a vécu en avril 2021, la « plus grande catastrophe agronomique de ce début du XXIe siècle ». Les gelés tardives ont causées plus de 4 milliards d’euros de pertes estimées dans la viticulture et l’arboriculture (8). Lorsque l’offre est réduite en raison de la perte de cultures, cela entraîne une augmentation de la demande pour les produits restants et une hausse des prix.

Un monde incertain

L’incertitude renvoie à la difficulté à anticiper les événements futurs en raison du manque de clarté sur les facteurs externes.

Les catastrophes naturelles ont connu une augmentation considérable depuis 1970, avec une multiplication par cinq, selon l’Organisation Météorologique Mondiale. Le coût économique de ces catastrophes a également augmenté de façon exponentielle, étant sept fois plus élevé qu’auparavant. Des pertes économiques mondiales d’environ 2,97 billions de dollars ont été enregistrées pour les catastrophes majeures des années 2000 à 2019, selon l’UNDRR (Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe) (9).

Ces événements ont amené les consommateurs à réfléchir à leur mode de consommation, en particulier depuis la pandémie de Covid-19, qui a suscité une prise de conscience environnementale et sociale accrue. Ainsi, 90% des consommateurs attendent des marques qu’elles s’engagent davantage sur des critères environnementaux pour relever le défi du changement climatique, selon une étude LSA Green de 2020 (10).

Un monde complexe

La complexité se rapporte à la présence de nombreux facteurs interconnectés qui influencent l’environnement et les prises de décisions.

La multiplication des sources et des quantités d’informations, caractérisée par le terme « infobésité » (11), a sa part d’influence dans l’inaction climatique. Les gouvernements et les organismes de réglementation prennent des mesures pour limiter l’impact des entreprises sur l’environnement, telles que la réglementation sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le soutien à l’utilisation d’énergies renouvelables et de pratiques commerciales durables, et la création de nombreux labels environnementaux pour les consommateurs. Cependant, avec plus d’une centaine de labels (12) et cinq fois plus de projets de lois portés par le Sénat entre 2000 et 2022 (13), il peut être difficile d’avoir une vue d’ensemble claire de la législation environnementale.

D’autre part, l’infobésité représente une menace directe pour l’environnement (14) avec une croissance exponentielle de l’informatique (+9% par an) et de ses émissions (4% des émissions de GES globales).

Un monde ambigu

L’ambiguïté est une source de confusion quant à la signification des événements ou des situations.

Par exemple, si une entreprise envisage de s’implanter dans un nouveau territoire qui présente une situation économique favorable, mais également des risques climatiques considérables, la vision d’opportunité sera ambigüe.

De même, les codes du recrutement évoluent, et les candidats recherchent des employeurs qui partagent leurs valeurs et leur engagement en faveur de l’environnement et de la responsabilité sociétale de l’entreprises (RSE). Selon une enquête de Deloitte (15), les candidats de la génération Y et Z considèrent les valeurs environnementales et sociales de l’entreprise comme un critère important lorsqu’ils recherchent un emploi. Les valeurs de l’entreprise jouent également un rôle crucial dans l’engagement et la fidélisation des collaborateurs. Une enquête Opinionway (16) a révélé que 83 % des employés interrogés souhaitent travailler pour une entreprise qui partage des valeurs (RSE) similaires aux leurs.


Stratégie bas carbone : une solution incontournable

Depuis la signature de l’Accord de Paris lors de la COP21 en 2015, 195 pays, dont la France, se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique à 2°C. La France a pour ambition de réduire de 40% ses émissions de GES d’ici 2030 et de contribuer à la neutralité carbone à l’horizon 2050 grâce à sa Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) (17). Cette stratégie offre aux entreprises, collectivités, acteurs publics et associations la possibilité de s’aligner avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Pour assurer leur résilience face au changement climatique, les entreprises doivent anticiper et agir dès maintenant en adoptant une vision stratégique solide et flexible à court terme. Les objectifs de réduction sont définis à horizon 2030 et 2050 et nécessitent de repenser son modèle d’affaires en misant, entre autres, sur l’innovation et l’économie circulaire. De même, il est possible de maîtriser sa chaîne logistique en privilégiant les matières et productions locales ou nationales pour réduire sa dépendance aux énergies fossiles. Les entreprises peuvent également innover en proposant de nouveaux produits et services qui améliorent leurs processus (éco-conception, réduction des emballages, de l’énergie et des matières).

Mettre en place une stratégie de décarbonation est aussi bénéfique pour la notoriété de l’entreprise et pour se conformer aux réglementations environnementales. Pour rappel, les activités humaines sont responsables de l’augmentation de la température et il est essentiel que chacun joue son rôle pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En France, une étude de Greenflex et de l’ADEME a montré que 88% des répondants estiment que notre société encourage la surconsommation (18). Les entreprises doivent donc s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs en proposant des modes de consommation alternatifs tels que le partage, la réparation, le réemploi, la remise à neuf et le recyclage.

Pour clôturer cette analyse, le changement climatique est une manifestation exacerbée de l’environnement volatile, incertain, complexe et ambigu auxquels les entreprises font face. Anticiper et s’adapter à ses conséquences semblent les seules issues pour assurer la pérennité de l’entreprise. La stratégie de décarbonation est un véritable levier pour réduire les risques à court terme et construire une stratégie résiliente pour l’avenir. De même, sa méthodologie : bilan carbone, objectifs de réduction SBti, trajectoire de réduction et plan d’action solide est un vrai cercle vertueux qui à terme atténuerait le changement climatique. Une seule question reste en tête : à quand un bilan carbone pour toutes les entreprises ?

Sources :

(1) Le Parisien. Par V.K. (21/10/2021). Mutation : «Changer la stratégie d’une entreprise arrive de plus en plus souvent», https://www.leparisien.fr/economie/business/mutation-changer-la-strategie-d-une-entreprise-arrive-de-plus-en-plus-souvent-21-10-2019-8177142.php .Consulté le (02/04/2023).

(2) L’ECOLE FRANCAISSE, Par Audrey. (13/01/2021). Quelles sont les différentes stratégies d’entreprise ?, https://lecolefrancaise.fr/quelles-sont-les-differentes-strategies-d-entreprise/#:~:text=Une%20strat%C3%A9gie%20d%27entreprise%20est,immat%C3%A9rielles%2C%20humaines%20et%20financi%C3%A8res .Consulté le (02/04/2023).

(3) LAROUSSE. (Date de publication inconnue). Définitions : résilience – Dictionnaire de français Larousse, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3 .Consulté le (02/04/2023).

(4) Nations United. (Date de publication inconnue). En quoi consistent les changements climatiques ? | Nations Unies, https://www.un.org/fr/climatechange/what-is-climate-change .Consulté le (02/04/2023).

(5) Reporterre, Par Olivier VOIZEUX et Stéphane JUNGERS. (07/05/2022). Tout comprendre au réchauffement climatique, https://reporterre.net/Tout-comprendre-au-rechauffement-climatique#3 .Consulté le (02/04/2023).

(6) Centre de recherche sur l’épidémiologie des catastrophes, Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe (Date de publication inconnue). The human cost of disasters: an overview of the last 20 years (2000-2019). https://www.undrr.org/publication/human-cost-disasters-overview-last-20-years-2000-2019 .Consulté le (02/04/2023).

(7) COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES. (19/07/2022). UNE INFLATION TIRÉE PAR LES MATIÈRES PREMIÈRES ET UNE RÉGLEMENTATION DES RELATIONS COMMERCIALES INADAPTÉE. https://www.senat.fr/rap/r21-799/r21-799-syn.pdf .Consulté le (28/03/2023).

(8) Le Parisien, Par Maxime François. (15/04/2021). Gel : plus de 4 milliards d’euros de pertes estimées dans la viticulture et l’arboriculture. https://www.leparisien.fr/economie/gel-plus-de-4-milliards-deuros-de-pertes-estimees-dans-la-viticulture-et-larboriculture-15-04-2021-24ZD6LV3V5A4LAH2UBCJ6RSVUA.php .Consulté le (28/03/2023).

(9) LSA Green, Par Yves PUGET. (19/02/2020). 90% des consommateurs attendent des marques qu’elles s’engagent !. https://www.lsa-conso.fr/90-des-consommateurs-attendent-des-marques-qu-elles-s-engagent,340296. .Consulté le (27/03/2023).

(10) La langue française. (Date de publication inconnue). Infobésité. https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/infobesite .Consulté le (27/03/2023).

(11) Les Echos, Par Gilles KNOERY. (05/06/2019). Opinion | « L’infobésité », une vraie menace pour l’environnement et… pour les entreprises | Les Echos, . https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-linfobesite-une-vraie-menace-pour-lenvironnement-et-pour-les-entreprises-1026611 .Consulté le (27/03/2023).

(12) Vie.publique.fr. (24/08/2021). Loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. https://www.vie-publique.fr/loi/278460-loi-22-aout-2021-climat-et-resilience-convention-citoyenne-climat .Consulté le (27/03/2023).

(13) ADEME. (Date de publication inconnue). Labels Environnementaux | Particuliers | Agir pour la transition écologique | ADEME. https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/labels-environnementaux .Consulté le (27/03/2023).

(14) SENAT. (Date de publication inconnue). Textes et rapports législatifs récents sur le thème : Environnement. https://www.senat.fr/themes/dossiers-legislatifs-environnement-recents.html .Consulté le (27/03/2023).

(15) Deloitte France, Par Mohamed LAHMOUDI. (15/12/2020). Millenial survey 2020. https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/talents-et-ressources-humaines/articles/millenial-survey-2020.html .Consulté le (27/03/2023).

(16) Les Echos, Par Coralie DONAS. (29/04/2021). Les salariés affirment le besoin de valeurs fortes en entreprise. https://www.lesechos.fr/thema/teletravail/les-salaries-affirment-le-besoin-de-valeurs-fortes-en-entreprise-1311085 .Consulté le (27/03/2023).

(17) Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Ministère de la Transition énergétique. (21/07/2022). Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC). https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc .Consulté le (27/03/2023).

(18) ADEME Presse. (27/05/2021). 14ème baromètre de la consommation responsable 2021. https://presse.ademe.fr/2021/05/14eme-barometre-de-la-consommation-responsable-2021.html .Consulté le (27/03/2023).